— the vow. (ewan)

Elle marche, emmitouflée dans son écharpe, sa longue veste lui retombant au niveau des genoux. Les mains dans les poches, elle ne cesse de se dire qu’elle devrait investir dans une paire de gants. Car le vent est frais, à Forks. Il est cru, froid. Il lui refroidit le corps, lui fait dresser les poils sur ses bras, la fait frissonner de tout son long. Elle se dirige, tête baissée, vers cet endroit qu’elle ne connaît que trop bien. L’aquarium. Leur rituel, leur habitude du lundi. Ils ne l’avaient jamais manqué. Depuis un an, elle ne l’avait jamais manqué. Bien que depuis un an, elle s’y rend seule Rikka. Ce rendez-vous, elle y est fidèle, comme à Ewan. Et devant ces poissons nageant librement, sans se soucier du monde, elle le voit. Son sourire, son regard. Elle ressent sa main se glisser dans ses cheveux, le son de sa voix grave. Et alors que son esprit ne peut se détourner de lui, elle ne remarque pas la larme chaude et salée couler le long de sa joue froide. Elle continue de penser, la douce. De ses bras venant l’enlacer alors qu’elle regarde les requins avec une certaine peur, de leurs rires à courir partout dans l’aquarium tel des gamins. Tout ça lui manque. Il lui manque. A un crever. Et elle a mal Rikka. Son coeur saigne, son coeur souffre. D’un geste de main, elle retire sa larme parlant sur sa joue. Rikka renifle légèrement, avant de se retourner et de continuer son chemin parmi les poissons. Parfois, elle pense perdre la tête. Car elle a l’impression de le voir. Au détour d’une rue, commander un café, rigoler dans un bar, poser son regard sur les poissons. Son regard se pose sur une silhouette au lien. Droit, les mains dans les poches, elle fronce les sourcils. La même allure, la même couleur de cheveux, les mêmes vêtements. Sans trop savoir pourquoi, son coeur s’emballe, il se serre. Et elle s’approche un peu plus. Une barbe de quelques jours anime son visage. Et comme un robot, elle s’approche de cet homme. Non, ça ne peut être lui. Car il est mort, Ewan. On le lui a bien fait comprendre droit dans les yeux. Elle sait que quand elle finira par être à côté de cet homme, il la regardera bizarrement, ce demandant qui est cette folle si proche de lui. Mais Rikka continue d’avancer. Et plus avance, plus son coeur tambourine dans sa poitrine. Ça ne se peut.

Le besoin de sortir, de prendre l'air. Cela faisait maintenant un peu plus de deux semaines qu'il était rentré à Forks. Il ne sortait que très peu, Ewan, il se rendait au bar dans la soirée chaque jour et rentrait chez Lily lorsque son service touchait à sa fin. Toujours le même chemin, et il n'avait vu aucun autre endroit en dehors de ces deux-là. Il n'en avait pas la force, physiquement et psychologiquement, ni l'envie. Sortir le paniquait, la possibilité de croiser des regards connus l'effrayait. Il préférait rester enfermé chez Lily, à lire, à tourner en rond. Parce qu'il devrait bien aller la voir, elle, à un moment ou à un autre. Aller chez eux, ou ce qui avait été chez eux. Il serait même sûrement mieux là-bas, Lily lui avait bien fait comprendre qu'elle avait accepté de l'héberger temporairement seulement. Il se sentait en trop chez elle, il y avait cette atmosphère étouffante. Il n'était pas censé rentrer, Ewan, on leur avait tous dit qu'il était mort, il y a un an. Ils avaient fait leur deuil. Puis sa soeur lui en avait toujours voulu de s'être engagé aveuglement dans l'armée sans penser à son entourage. Alors Ewan avait peur que Rikka voit les choses de la même façon. Il n'avait même pas osé parler d'elle avec sa soeur, les questions lui brûlant les lèvres, mais les réponses l'effrayant bien trop. Peut-être avait-elle fait son deuil, peut-être l'avait-elle oublié, peut-être avait-elle refait sa vie. Trop d'incertude pour qu'il se lance.

En voyant la date sur le calendrier de la cuisine, il avait vu que c'était lundi et il s'était souvenu du rituel qu'ils avaient avec Rikka. Après un moment d'hésitation, il s'était emparé de sa veste et était sorti se perdre dans les rues de Forks. Ces endroits qu'il avait cru ne jamais revoir. Ses pas le guidaient jusqu'à l'aquarium sans même qu'il n'ai à y réfléchir. Il n'avait rien oublié de ces petites ruelles, des endroits qui l'avaient vu grandir. Enfermé dans cette pièce sombre, il s'échappait parfois en se promenant dans la ville dans son esprit, à l'aide de simples souvenirs, pour ne pas oublier. Les mains fourrées au fond de ses poches, trainant des pieds, il passait devant les bassins et les aquariums sans vraiment les regarder. De temps à autres, il s'asseyait quelques minutes, observant silencieusement les autres visiteurs. Cette impression d'être en trop, de n'être qu'un simple spectateur lui donnait la nausée. Puis il se levait de nouveau pour se poster devant une des vitres le séparant des poissons. Son reflet dans la vitre lui arrachait une légère grimace. Son visage était encore marqué et ne cessait de lui rappeler d'où il revenait. Puis un mouvement sur sa gauche attirait son attention. Du coin de l'oeil, il apparaissait une forme se rapprochait de lui. Sans savoir pourquoi, il n'osait pas lever les yeux tout de suite. La situation l'angoissait, alors il reculait d'un pas avant d'enfin lever les yeux. C'était elle. Rikka. Il fermait les yeux quelques secondes priant pour que ça ne soit pas une autre de ces illusions. Mais elle était toujours là, se rapprochant lentement de lui. Les larmes commençaient à brûler ses yeux alors qu'elle n'était qu'à quelques centimètres de lui. Il n'avait pas pleuré depuis qu'il était rentré, Ewan, il ne se l'était pas permis. Il avait cru mourir, loin, à des kilomètres d'elle, sans même pouvoir lui adresser une dernière lettre. Pendant longtemps, il s'était demandé ce qu'elle avait pensé, ce qu'elle avait du ressentir en ne recevant plus de réponse à ses lettres. Sa main se posait instinctivement sur sa poitrine. A cet endroit, dans sa poche, une photo d'elle qu'elle avait glissé avant qu'il ne parte pour ne plus revenir. Elle était usée, on ne discernait presque plus son visage à force de la sortir et de la serrer dans sa main. Ce visage qui réapparaissait devant lui, qui n'avait pas changé d'un trait. Elle était toujours là même, toujours aussi belle, aussi douce. Sa simple vue apaisait son coeur et chamboulait son esprit déjà dérangé. Sans un mot, sans prévenir, il se laissait tomber dans ses bras en larmes. A l'abri, enfin.

Elle avait l’impression de rêver, Rikka. Ses yeux ne pouvaient se détacher de cette silhouette alors qu’elle continuait d’avancer. L’homme porte la main sur son coeur, et le sien tressaillit. Elle aurait pu tomber là, sur le sol, tellement ce qu’elle voyait lui semblait irréel. Et si c’était bel et bien un rêve, elle n’était pas prête de se réveiller. Pas encore. Il avait tout d’Ewan. Mais elle ne pouvait y croire. Car Ewan était mort. Il n’était plus. Ca faisait un an qu’on était venu toquer à sa porte, lui annonçant la mort de son fiancé. Une embuscade, aucun survivant. Leurs mots avaient été clairs. Tellement clairs que ses jambes avaient lâché, et qu’elle s’était retrouvée sur le sol de la porte d’entrée. Elle n’avait pas tout de suite réalisé ce qu’on venait de lui apprendre. Mais les informations à la télé on fait qu’elle ne pouvait nier l’évidence. L’homme dont elle était tombée amoureuse ne reviendrait pas. Il ne reviendrait plus jamais. Une année qu’elle avait essayé de se faire à cette idée. Et ces derniers mois, elle avait essayé d’avancer. En premier, elle avait annulé leur mariage. Ensuite, elle avait commencé à rassembler ses affaires. Peut-être était-ce trop tôt, mais au plus elle voyait, au plus elle ressentait Ewan autour d’elle, au plus elle était brisée. On lui avait toujours dit d’être forte Rikka. Et c’est ce qu’elle avait essayé de faire. Mais là, à cet instant, tous ses efforts étaient partis en fumée. Et si on s’était trompé ? Non, ça ne se peut. Quelqu’un l’aurait prévenue. Ewan serait directement venu vers elle. Du moins c’est ce qu’elle s’était dit. Et puis il tourna la tête, déposant son regard dans le sien. Et son coeur lui fit mal. Il se serra. Tout comme son ventre. La boule au ventre. Elle tremblait, de tout son corps. Les yeux rivés sur lui, elle n’avait même pas remarqué que les larmes ne cessaient de couler le long de ses joues, effaçant petit à petit son maquillage. Elle était maintenant à sa hauteur, et son odeur .. Son odeur lui fit perdre la tête. Elle se serait crue dans un film digne d’Hollywood. Et alors qu’ils se faisaient maintenant face, elle leva la main. Car Rikka voulait toucher son visage. Elle voulait le sentir. Elle voulait se dire que non, elle ne rêvait pas. Et il s’effondra d’un coup dans ses bras. Le sentir à nouveau aussi proche d’elle la mettait presque mal à l’aise. — Ewan .. Au fond d’elle, elle espérait ne pas se réveiller. Mais elle finit par se rendre compte que ce qui venait de se passer était bel et bien réel. Ce moment, Rikka l’avait imaginé. Car au fond, elle n’avait jamais cessé d’espérer. De nombreuses fois, elle s’était refait le film de leurs retrouvailles dans sa tête. Et la réalité était toute autre. Alors qu’elle ne voulait pas briser ce rapprochement, elle le repoussa légèrement, et d’une main délicate, elle déposa son index en dessous de son menton, afin de mieux le regarder. Elle brisa à nouveau ce touché, et se recula. N’arrivant pas à y croire. — Tu .. On .. Tu es mort, Ewan. Cela ne se peut.

C'était le visage de Rikka qui l'avait sauvé. C'était elle qui lui avait donné envie d'essayer de survivre, de revenir. Si son visage s'effaçait de la photographie qu'elle lui avait donnée à cause du temps et de la poussière, il se remémorait parfaitement chaque trait de son visage dans son esprit. Chaque courbe, la couleur de ses yeux, la façon dont ses lèvres s'étiraient dans un sourire, la sensation de ses cheveux glissant entre ses doigts, même le son de son rire. Chaque détail comptait, chaque détail lui rappelait la promesse qu'il lui avait faite. Sur le pas de leur porte, le jour de son départ. Je reviendrai. Parce qu'il en était certain, Ewan. S'il avait su, il n'aurait sûrement jamais prononcé ses mots qui avaient du la blesser plus que la réconforter. Avec le recul, il se rendait compte qu'il avait été égoïste. Envers sa famille, mais surtout envers elle. Celle pour qui il avait posé un genou, celle qu'il devait épouser en rentrant. Son engagement à l'étranger avait duré plus longtemps que prévu, les excuses se répétaient dans chaque lettre qu'il lui écrivait et plus le temps passait plus leur mariage s'éloignait. Il n'imaginait même ce qu'elle avait du vivre. Et il s'en voulait, parce qu'elle avait du traverser tout ça à cause de lui et son désir de servir une cause, de suivre les pas de son père, de rendre sa mère fière.

En se laissant tomber dans ses bras, il se laissait enfin aller, Ewan. Depuis deux semaines, il tentait de faire bonne figure devant sa famille et les quelques personnes qu'il avait croisées. Il était brisé, il avait l'impression de ne plus pouvoir fonctionner. Comme si une part de lui-même était restée dans cette pièce sombre au fin fond de l'Irak. Chaque jour semblait être le dernier, chaque jour il réalisait qu'il ne rentrerait jamais, qu'il ne la reverrait jamais. Mais elle était là. Devant lui. Et elle était la seule à pouvoir le rattraper, lui accorder un moment de répit. Son prénom s'échappait d'entre les lèvres de la belle. Mais il s'effondrait dans ses bras avant que ses doigts ne frôlent son visage. Alors que son visage se nichait dans son cou s'enivrant de ce parfum qui lui avait tant manqué, les mains de Rikka le repoussaient doucement. Il avait honte, Ewan. Honte qu'elle le voit dans cet état, amaigri, affaibli, le visage marqué par cette année loin d'elle. C'était la raison pour laquelle il n'était pas allé la voir avant. Il ne voulait pas qu'elle le voit comme ça, il voulait qu'elle retrouve celui qu'elle avait laissé. Parce que dans le cas contraire, elle risquerait d'être déçue, elle risquerait de ne plus le désirer. Il fuyait son regard alors que ses doigts soulevaient son menton comme le forcer à la regarder. Ses yeux se relevaient au moment même où elle rompait le contact. C'était comme si de ne plus la sentir contre lui, il avait cru qu'elle allait disparaitre. Elle reculait alors qu'il plongeait ses yeux bleus rougis par les larmes dans les siens. Tu es mort, Ewan. Il le savait. Parce que même si on lui répétait qu'il avait eu de la chance, même s'il était revenu vivant à Forks, il donnait un sens différent à ce mot. Il ne savait pas vraiment s'il était vivant, Ewan, mais il était là devant elle alors qu'on lui avait annoncé son décès il y a un an. “Je sais...” soufflait-il en ne lâchant son regard. Il savait exactement ce qu'on lui avait dit, on lui avait dit qu'il n'y avait eu aucun survivant dans l'embuscade, il savait que c'était difficile à croire. “Ils m'ont retrouvé il y a deux semaines.” Il déglutissait avec difficulté. Il aurait du aller la voir plus tôt, mais il n'en avait pas eu la force. Il avait pris peur, Ewan. L'avoir en face de lui ne le rassurait pas. Il restait planté devant elle, les bras dans le vide, les larmes au bord des yeux. “Je suis désolé, Rikka.” Il avait peur qu'elle décide s'en aller, qu'elle décide de garder ce chapitre de sa vie fermé, qu'elle refuse ses excuses. Peut-être était-il trop tard pour demander pardon, peut-être que trop de mal avait été fait.

Rikka aurait aimé le retrouver autrement, dans un lieu plus intime, un lien rien qu’à eux deux. Et pourtant ils étaient là, à l’aquarium, ce lieu qu’ils avaient eu l’habitude de fréquenter un jour par semaine. Rikka n’avait jamais oublié ce rituel. Et visiblement, Ewan non plus. Elle s’était faite doucement à l’idée de ne plus jamais le revoir, elle avait même essayé d’aller de l’avant. Elle avait même rencontré quelqu’un d’autre, Rikka. Mais il était là, Ewan. Face à elle, les yeux en pleurs. Et au plus elle le regardait, au moins elle le reconnaissait. Des cicatrices avaient fait leur apparition sur son visage, cette lueur si joyeuse qu’elle retrouvait dans ses yeux n’était plus. Elle avait du mal, Rikka, à se dire qu’il était bel et bien là. Au fond d’elle, elle ne cessait de se dire que ce n’était qu’un rêve. Mais il s’était réfugié dans ses bras, et ce contact lui avait fait comprendre que non, il n’était pas mal. Ewan, son Ewan était toujours en vie. Et à cet instant, elle en voulait à l’armée de lui avoir menti. — Deux .. Deux semaines ? Elle tombait des nues. Rikka recula encore un peu plus, avant de s’asseoir sur un banc non loin d’eux. Elle ne comprenait pas. Elle ne comprenait pas comment elle n’avait pas été prévenue, alors qu’elle était sa fiancée. — Depuis combien de temps es-tu à Forks, Ewan ? Son regard se plongea difficilement dans le sien, mais elle voulait savoir. Pourquoi n’était-il pas venu la voir. Si elle avait été à sa place, il aurait été la première personne qu’elle aurait été voir. Mais Rikka n’était pas à sa place, elle ne pouvait le comprendre. Elle secoua la tête quand il s’excusa, alors que les larmes lui montèrent doucement aux yeux. — Pourquoi .. ? Elle posa cette question sans réel sans. Car pour elle, plus rien n’avait de sens. Pendant un an, elle avait pleuré l’homme qu’elle aimait. Pendant un an, elle s’était posé mille et une questions. Elle s’était même dit, Rikka, qu’il n’était pas mort. Mais plus les semaines, plus les mois passaient, et plus elle avait fini par se faire une raison. Et maintenant, Ewan revenait. Elle avait envie de le prendre dans ses bras, de lui dire à quel point il lui avait manqué. Mais elle n’y arrivait. Elle était comme bloquée Rikka, impossible de bouger. Il l’avait prise dans ses bras, mais elle l’avait repoussée. Il allait lui falloir du temps pour digérer. Il allait lui falloir du temps pour permettre à un homme mort de rentrer à nouveau dans sa vie. Était-elle heureuse ? Rikka ne savait même pas. Mais au fond, elle se sentait presque soulagée. Sans trop savoir pourquoi, elle se leva à nouveau. Elle étouffait, dans cette pièce. — Je .. Il faut que je sorte d’ici.

Il avait imaginé leurs retrouvailles à plusieurs reprises. Aucun des scénarios qui avaient traversé son esprit ne ressemblait à ça. Il s'était voilà la face, Ewan. Il aurait du savoir qu'elle ne sauterait pas dans ses bras, que ce serait difficile à croire, à accepter. Il ne savait pas tout ce qui s'était passé en un an dans la vie de la jeune femme. Peut-être avait-elle fini par l'oublier, peut-être était-elle passée à autre chose. Elle n'avait pas changé pourtant. Sans un mot, il lentement hochait la tête. Cela faisait deux semaines qu'il errait dans l'appartement de sa sœur, sortant le soir -quand il en avait la force- pour aller travailler au bar. Cela faisait deux semaines qu'il faisait comme si de rien n'était, comme s'il allait bien. Il avait déjà causé trop de tort, il ne voulait pas que la situation empire. Il la regardait s'éloigner et s'asseoir un peu plus loin, s'empêchant de la retenir. Il ne pouvait plus bouger en réalité, ses pieds étaient comme enfoncés dans le sol. Un soupir traversait lorsque la question qu'il redoutait traversait les lèvres de la jeune femme. Il détournait le regard sentant celui de Rikka l'observait. “Un peu plus d'une semaine..” soufflait-il. Sa famille avait d'abord été prévenue et en arrivant, Ewan avait demandé à Lily de ne rien dire à Rikka. Il avait revu plusieurs personnes depuis son retour, mais son regard et son jugement à elle était ce qu'il redoutait le plus. Si elle refusait de le récupérer, si elle ne pouvait pas lui pardonner, il ne savait pas ce qu'il adviendrait. Il ne s'était pas senti prêt à affronter ça, pas dans son état. Il avait tout fait pour éviter ce moment, mais maintenant qu'elle était en face de lui, il regrettait. Il aurait aimé la revoir plus tôt, dans un endroit, dans d'autres conditions. Pourquoi. Ce mot ne cessait de résonner dans son esprit. Lui aussi se posait la question. Pourquoi était-il parti alors qu'il avait tout ce qu'il avait toujours désiré ici? Pourquoi ne s'en était-il pas contenter, pourquoi avait-il voulu jouer les héros? Pourquoi n'avait-il pas couru jusqu'à la porte de Rikka quand il est rentré, comme il avait l'habitude de le faire des années auparavant? Lui non plus ne savait pas, aucune réponse ne lui convenait. Il ne savait pas quoi dire face à son regard implorant, Ewan. Il savait que c'était sa faute, il savait qu'il avait merdé, il savait que ce serait difficile de se racheter. Mais il n'avait plus rien à perdre, et tout à reconquérir. Ses mots lui faisaient l'effet d'une décharge électrique. Elle voulait sortir et sans même réfléchir, il s'avançait et attrapait son poignet. Il avait cette drôle de sensation. Si elle partait maintenant, il ne la reverrait pas. “J'ai eu peur, Rikka. Peur que tu me voies comme ça.” Il marquait une pause avant de déserrer son emprise et baisser les yeux. “Peur que tu m'aies oublié.” S'il n'avait pas su l'aimer à sa juste valeur, s'il avait préféré risquer sa vie à l'étranger plutôt que de l'épouser, un autre avait pu en être capable. C'était sa hantise à Ewan. Revenir et la voir au bras d'un autre. Il ne pourrait pas lui en vouloir, il ne pourrait s'en prendre qu'à lui-même. Ses doigts glissaient jusqu'à sa main sans oser l'attraper. “Ne me laisse pas.” Il n'y survivrai pas. La voir tourner les talons finirait de l'achever.

Rikka était perdue. Elle se croyait d’une part dans un cauchemar, d’une part dans un rêve. Et elle tanguait, ne sachant rester sur place. Un moment assise, un moment debout. Elle ne savait plus quoi faire. Elle avait envie de s’enfuir, de partir pleurer dans un coin, de reprendre ses esprits. Car il avait débarqué d’un coup, Ewan. Rikka ne s’attendait pas à ça, même si ce moment, elle l’a toujours espéré. Et était comme étrangère à la scène, son esprit n’étant pas réellement là. Un peu plus d’une semaine. Elle eut un léger rire. Un rire presque moqueur. Un rire faux. Car elle n’avait guère envie de rire la Wyes. Et de sa réponse, elle commença à se poser des questions. Pourquoi n’était-il pas venu la voir ? Pourquoi n’avait-il pas fait le premier pas ? Pourquoi est-ce que personne ne l’avait prévenue ? Après tout, il était son fiancé. Ils étaient prêts à se marier. Mais non, personne n’était venu la mettre au courant. Et à ce moment, elle détestait le monde entier. Car Rikka, elle aurait essayé de se préparer. Du moins un minimum. Mais non, il a fallu qu’elle vienne ici, en ce jour, et qu’il soit là. Sorti de nul part. — Oh, d’accord. Finit-elle par simplement répondre. Elle ne savait pas comment réagir. Une part d’elle avait envie de le prendre dans ses bras, de l’embrasser jusqu’à en perdre sa respiration, de tout faire pour qu’ils restent à jamais ensemble. Mais une autre part d’elle avait envie de s’enfuir, de prendre ses jambes à son cou et de partir là de cette scène. Elle aurait aimé être forte, Rikka. De tout coeur elle aurait aimé. Mais là, à cet instant, c’était trop. Et alors qu’elle se leva, il attrapa son poignet. Une main forte, rugueuse. Sa peau n’avait plus cette même douceur, cette même vitalité. Elle avait du mal à le reconnaître. — T’oublier ? Jamais je ne le pourrais Ewan .. Rikka était sincère. Elle lui faisait à nouveau face, et ce contact entre eux n’était toujours pas brisé. Il laissa lentement glisser ses doigts dans la main de la douce. Rikka posa ses yeux dessus. Mais elle ne fit rien. — Ne me laisse pas .. C’est ce que je t’ai dit, avant que tu ne partes. Et alors que ses yeux s’humidifiaient lentement, elle referma sa main, emprisonnant les doigts de son fiancé. — Ewan je .. Je ne saurais pas. Je ne saurais pas rester. Excuse-moi. Je .. Je te contacte bientôt. Ca lui brisait le coeur, à Rikka, de partir, de le laisser là alors qu’il avait besoin d’elle. Mais elle aussi, il avait eu besoin de lui. Et comme pour se venger, elle lâcha son emprise avant de tourner les talons vers la sortie. Maintenant dos à lui, elle laissa ses larmes salées perler le long de ses joues. Et sans même se retourner,
Rikka s’enfuit.